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24 juillet 1962 à Bora Bora, la deuxième greffe expérimentale d'huîtres perlières de Polynésie

APRÈS SON PREMIER VOYAGE EN POLYNÉSIE durant l’hiver austral 1961 (juillet-septembre 1961), Churoku Muroi revint en Polynésie en avion. Il se posa à Bora Bora le 11 juillet. Après un saut en hydravion à Hikueru les 20 et 21 juillet, où il vérifia les huîtres greffées, il revint à Bora Bora le 24 juillet. Jean-Marie Domard souhaitait en effet réaliser une nouvelle greffe expérimentale, dans une île haute aisée d’accès afin de favoriser l’implantation de perliculteurs, avec des huîtres perlières transférées depuis un atoll des Tuamotu.


© Photos : Archives familiales Jean-Marie Domard /Texte : Patrick Seurot - mise en page : SMILE


Lire les éditions précédentes : Poe Rava 2019 (pp. 42-49) - Poe Rava 2020 (pp. 48-55) - Poe Rava 2021 (pp. 54-63)


Devant Otemanu, le mont sacré de Bora Bora, surnommée la perle du Pacifique depuis le passage des troupes américaines en 1942-1945, le greffeur japonais Churoku Muroi réalisa une deuxième greffe expérimentale depuis un fare aménagé sur le lagon du motu Toopua.


Churoku greffa avec un soin constant près de 150 huîtres perlières par jour, soit trois fois moins que sa moyenne régulière.

1580 huîtres perlières greffées avec un noyau de grande dimension

Après l’expérience de greffe réalisée à Hikueru, Jean-Marie Domard avait noté quelques difficultés, des « obstacles que les dirigeants d’une entreprise perlière établie aux Tuamotu auraient à surmonter, en particulier en raison de l’éloignement », mais aussi des difficultés d’accès – il n’y a alors aucune piste d’aviation.


Pour cela il se met à la recherche d’un endroit propice à la perliculture qui soit relativement proche de Papeete. « Nous avons découvert [avec M. Muroi] ce que nous cherchions dans l’île de Bora- Bora (à 1 heure de Papeete par un hydravion qui assure cinq services par semaine et avec une liaison maritime hebdomadaire) ».


Il fut ainsi décidé de procéder à une nouvelle expérience à Bora Bora cette fois. Churoku Muroi revint donc en Polynésie, où il se posa le 11 juillet. Après un saut en hydravion à Hikueru les 20 et 21 juillet, où il vérifia les huîtres greffées, il arrive à Bora Bora le 24 juillet. Avant son départ, le 7 août 1962, il procéda à l’opération de 2250 huîtres : 1580 huîtres greffées avec un noyau de grande dimension, 520 huîtres greffées avec 2 noyaux de petite dimension, et 150 huîtres opérées en vue de la formation de demi-perles.


Préparation des casiers d’élevage des huîtres perlières greffées. 9% seulement de mortalité fut observé pour les greffes avec des petits nucleus.


Le fare greffe était situé sur le motu Toopua et le lieu choisi pour l’élevage fut un chenal d’une centaine de mètres de large, d’une profondeur moyenne de 6 à 10 m, situé entre l’îlot Toopua et le récif frangeant. Domard, qui pensait déjà à une exploitation commerciale, précise dans ses mémoires : « Cet endroit pourrait convenir à l’installation d’une centaine de radeaux ».


Entre le 21 janvier et le 8 février 1964, Churoku Muroi revient inspecter les élevages et procéder aux soins utiles. Il conseilla à Jean-Marie Domard de récolter les demi-perles dès mars 1964, et les perles sphériques à la fin de 1964. Jean-Marie Domard envisagea dans un premier temps la récolte de l’ensemble des perles en juillet 1964, mais il reporta cette récolte à janvier 1965, «dans le but d’obtenir une plus forte proportion de perles atteignant ou dépassant un diamètre de 10 mm. Il est même possible que cet élevage soit encore prolongé si le taux de mortalité reste stable. Le but serait de définir les limites du plus long élevage possible ; en effet, la valeur des perles dépend essentiellement de leur taille, et cette taille croît proportionnellement à la durée de l’élevage jusqu’à un certain seuil à partir duquel les huîtres seront incapables de développer davantage leurs perles. Le meilleur moment de la récolte doit donc correspondre à ce seuil.» Steve Ellacott suivit toute l'opération.


La troisième greffe

Au cours de sa troisième mission en Polynésie française, entre le 27 janvier et le 6 février 1964, Churoku Muroi opéra, une nouvelle fois à Bora Bora, 560 nouvelles huîtres perlières, avec des noyaux de petite dimension. Ces huîtres greffées avec un petit nucleus souffrirent moins de mortalité (9% après 35 jours) que celles greffées avec un gros noyau (23% de mortalité) ou deux petits noyaux (53% de mortalité).


Jean-Marie Domard écrivit à Kuribayashi le 1er mai 1964 pour l’avertir qu’il « reste dans le lagon de Bora, au 16 mars 1964, 1301 huîtres greffées de perles rondes en culture », et le prévient qu’elles seront récoltées à son retour de France au début de 1965.


LA TAILLE DES PERLES croît proportionnellement à la durée de l’élevage jusqu’à un certain seuil à partir duquel les huîtres sont incapables de développer davantage leurs perles.

C’est avec un plaisir non dissimulé qu’il lui réécrit le 22 février 1965 pour lui confier ses impressions : « J'ai récolté il y a quelques jours les perles de Bora Bora. J'en ai trouvé 450. 100 d'entre elles sont très belles, rondes, et de 11 mm de diamètre. 50 font 12, 5 font 13, 1 fait 14.


Mais le plus important réside dans la couleur de ces perles. Je ne peux pas toutes les décrire avec précision, mais tous ici les ont trouvées très belles, et plus remarquables encore que celles d'Hikueru. Je pense que c'est le travail de M. Muroi qui a donné ces excellents résultats. Je vais maintenant demander au Gouverneur de mettre en place une exposition de toutes les perles, d'Hikueru et de Bora Bora. A la fin février, elles seront présentées à la presse et aux autorités locales.»






Ce dernier l’affirme dans un courrier du 1erjuin1965: «J’ai pu observer une belle amélioration dans la récolte de Bora Bora, dans le sens que je trouve les tailles généralement plus grande et les couleurs plus belles ».





Les demi-perles récoltées furent envoyées aux experts japonais qui leur attribuèrent la même valeur que les demi-perles produites en Australie, soit de 5 à 7 dollars US l’unité. Il restait à prouver au monde entier que les perles de culture de Tahiti méritaient de figurer au même rang que les perles Akoya ou d’Australie et que les plus belles gemmes du monde minéral.


Le fare greffe installé dans le chenal du motu Toopua. Premières récoltes des perles de Bora Bora sur les huîtres perlières greffées en juillet 1962.


UNE CENTAINE DES PERLES RÉCOLTES SONT TRÈS BELLES, rondes et d'une taille de 11 millimètres [0,43 pouce]. 50 ont une taille de 12 millimètres [0,47], 5 de 13 [0,51] et 1 de 14 [0,55]. Ces résultats ont bien sûr été obtenus sans surgreffe, par l’introduction de nucleus de grosse dimension


Des perles, selon les experts japonais, dignes d’être serties de diamants.


 

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