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1963 et les premières récoltes

La perle de Tahiti reflète les aubes comme les couchants. Les bleus de mer et toutes les teintes du jour.

Texte : Patrick Seurot - Photos : fonds familial Jean-Marie Domard © tous droits réservés

© Doris Ramseyer


En 1961, les premières greffes ont eu lieu en août, à Hikueru. En juillet 1962, eurent lieu celles de Bora Bora. Elles seront complétées par un appoint, souhaité par Churoku Muroi, en janvier 1963. L’objectif de ces deux nouvelles expériences de Bora Bora fut de définir la rentabilité technique des opérations de greffe. Or, l’année coïncide avec les récoltes complètes de perles de Hikueru. L’avenir de la perle de culture de Tahiti se joue en partie cette année-là.


1. Récolte des perles de la première greffe expérimentale de Hikueru. Un succès qui dépassa les espérances. En attendant les perles de bora Bora. 2. Arrivée d’une partie de l’équipe du Service de l’élevage, de la Pêche et des industries animales, sur le site d’élevage de Bora Bora, à l’ombre du Motu Toopua. 3. Récolte test d’une des huîtres perlières

« Dans le but de rechercher un débouché nouveau à sa production nacrière menacée par la concurrence du polyester, le Territoire de la Polynésie française a financé un essai de culture perlière dans l’île de Hikueru (archipel des Tuamotu) ».

Il y eut trois essais, en août 1961 (Hikueru, Tuamotu), juillet 1962 et janvier 1963 (Bora Bora)


Grâce à ce rapport remis le 13 mars 1964 où Jean-Marie Domard a l’humilité et l’élégance de ne jamais se citer, alors qu’il est à l’origine, à la mise en place et à la réalisation des opérations de greffes expérimentales, nous pouvons effectuer un retour sur l’année 1963, où les récoltes ont lieu.


En décembre 1963, la totalité des 827 huîtres opérées à Hikueru sont récoltées. Un certain nombre le fut à différentes étapes de l’élevage, afin de vérifier la mortalité :

  • Après l’opération, les huîtres avaient été placées dans des paniers déposés à un mètre de profondeur environ, en bordure de plage, durant près d’un mois, afin de faciliter les opérations de surveillance post-opératoire ;

  • Après ce mois d’observation, les huîtres perlières furent transportées sur un plateau sous-marin, à 25 mètres de profondeur et disposées sur des claies ;

  • Les opérations perlières entraînant ou vérifiant le pourcentage de mortalité furent précisément consignées, 5 au total du 7 août 1961 au 9 décembre 1963.

Sur les 827 huîtres perlières opérées, la perte avait porté sur 304 sujets, soit 36,7% de mortalité, dont 32,5% au cours des 5 premiers mois (une donnée toujours valable aujourd’hui, la mortalité touchant particulièrement les sujets opérés dans les premières semaines après l’opération).


Avant la récolte définitive, deux prélèvements avaient été effectués au titre de sondage :

  • Le 12 janvier 1962, 100 huîtres prélevées avaient fourni 46 perles. Cela avait provoqué un certain émoi à Papeete : « Des perles de Tahiti ont été produites, nous savons faire, comme les Japonais ! ». Un émoi tel que ce lot fut volé en mars 1962. Il a fallu un travail de fins limiers des membres du Service de l’élevage, de la Pêche et des industries animales, bénéficiant de l’aide de la gendarmerie, pour que l’enquête permette la récupération de 22 perles. 24 restèrent introuvables.

  • Le 13 octobre 1963, 30 huîtres perlières prélevées à des fins de vérification donnèrent 18 perles.

C’est finalement le 9 décembre 1963 que les 393 huîtres perlières restantes (304 furent retrouvées mortes lors des 5 inspections, rappelons-le, dont 50 seulement en 1962 et 3 en 1963). Ces 393 huîtres perlières donnèrent 212 perles.


Durant toute l’année 1963, les huîtres perlières de Bora Bora furent sous la surveillance étroite de l’équipe du service de l’Elevage, de la pêche et de la nacre. Churoku Muroi avait greffé, lors d’une première mission, du 21 juillet au 7 août, pas moins de 2250 huîtres perlières, dans le lagon de Bora cette fois :

  • 1580 avec un noyau de grande dimension (n°30 environ) constituèrent le lot A

  • 520 avec deux noyaux de petite dimension (n°20) constituèrent le lot B

  • 150 enfin, en vue de former des demi-perles (mabe) constituèrent le lot C

Le 28 janvier 1963, 1173 huîtres perlières du lot A étaient vivantes le jour du contrôle ; 235 du lot B, 142 du lot C.

Le 10 juillet 1963 eut lieu le deuxième contrôle :

  • 1150 huîtres perlières du lot A étaient vivantes ;

  • 196 du lot B, qui semblait souffrir de l’introduction des deux nucleus ;

  • 141 du lot C.

Enfin, le 20 novembre 1963, 1107 huîtres perlières du lot A étaient vivantes le jour du contrôle ; 194 du lot B, 135 du lot C.


Pour ces huîtres perlières greffées, 1964 serait l’année cruciale.

1. Jean-Marie Domard et John Doom, à Hikueru, préparant des huîtres perlières fixées sur des lignes de nylon pour les futures greffes. 2. Visite éclair en hydravion depuis Papeete des claies d’élevage des huîtres perlières de Bora Bora. CI-DESSUS : Jean-Marie Domard effectuant des vérifications sur des huîtres perlières en phase de grossissement, fixées sur des branches de mikimiki.


Suite à ces nouvelles greffes expérimentales, M. Churoku Muroi rédigea un rapport, à la fin de l’année 1963. Il en envoya la version définitive le 12 février 1964. Pour lui, Bora Bora rassemble les conditions idéales pour établir une ferme perlière de production. « Toutes les installations pourraient être réalisées à proximité de la zone des radeaux et l'approvisionnement en matériel serait très pratique et régulier depuis Papeete. » Pour lui, si le matériel nécessaire (dont il a listé l’essentiel sur une fiche que nous publions ici pour la première fois), importé du Japon car non fabriqué en Polynésie, et les huîtres perlières sont disponibles (huîtres perlières qu’il faudra faire venir d’un atoll, le lagon de Bora Bora n’ayant pas gisement naturel), 10 000 greffes en vue d’obtenir des perles rondes et 5000 pour créer des demi-perles pourraient être menées avec succès en deux mois par cinq Japonais (deux greffeurs et trois techniciens préparateurs) et 25 à 30 travailleurs locaux.


De son côté, Jean-Marie Domard avait des ambitions plus large pour le Territoire : 25 000 huîtres perlières greffées assez rapidement (1970), une fois les expériences achevées et le retour, qu’il espérait alors positif, de la part des experts japonais, pour atteindre 2 M de sujets greffés en 1986.


Au matin du 10 décembre, Jean-Marie Domard et son équipe admirèrent les 252 perles en leur possession. A ce lot furent ajoutées 7 perles de Bora Bora issues d’huîtres perlières dont l’arrêt de croissance laissait présager la mort prochaine, lors du contrôle du 20 novembre 1963.


Les quatre plus petites faisaient 8,5 mm de diamètre, la plus grosse 11 mm sur son plus grand côté, 10,6mm sur le plus petit.

Une fois triées, de la manière qui leur a paru la plus représentative et la plus naturelle, les perles furent rassemblées dans des petits sachets, comme les lots actuels des enchères, et identifiés. D’ici quelques semaines, elles seront envoyées au Japon, au siège de la Nippon Pearl, où elles seront présentées, le samedi 22 février 1964, aux experts japonais rassemblés pour l’occasion par M. Kuribayashi, PDG de la Nippo Pearl Corp. L’avis de ces spécialistes sera crucial pour l’avenir de la perle de culture. Un épisode de l’épopée de la perle de Tahiti à suivre dans le magazine Poe Rava de mai 2024.


Vous souhaitez retrouver toute l’histoire des greffes expérimentales ? Redécouvrez-les dans les éditions précédentes.

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