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La pétition des chefs pa’umotu

Pour le respect des gisements nacriers


Le 1er avril 1929, en réaction contre ce qu’ils estiment être des vols des bancs nacriers de leur lagon par des compagnies étrangères (tahitiennes, françaises, allemandes, anglaises) avec des plongeurs d’autres îles ou archipels, mais aussi pour dénoncer la concurrence déloyale que fait l’utilisation du scaphandre à la plonge à nu, les habitants de Hikueru adressèrent au Gouverneur français à Papeete leurs doléances, sous la forme d’une pétition.

Les pétitionnaires rassemblaient 127 plongeurs professionnels, 104 journaliers, 107 femmes et 19 enfants paumotu, plus 37 personnes non domiciliées aux Tuamotu.

Traduction : Alex Drollet
Pétition des chefs pa'umotu
Pétition des chefs pa'umotu

Monsieur le Gouverneur,


Nous soussignés, habitants des îles Tuamotu, réunis à Papeete à l’occasion d’une assemblée cultuelle, voyons dans le Journal officiel du 1er avril 1929 que vous avez

prorogé de deux mois la durée de la plonge au scaphandre dans le secteur Ouest de Hikueru. Nous songeons à la visite que vous avez faite à Hikueru le 2 septembre 1926 pour y examiner la question de la plonge au scaphandre. Aucun des habitants réunis à Hikueru n’a manqué de vous demander de ne jamais admettre les scaphandres dans nos lagons.


Nous nous sommes opposés énergiquement à l’admission des scaphandres dans nos lagons parce que cet engin avait été des plus néfastes aux lagons dans lesquels il avait été utilisé autrefois.


Nous vous avions pourtant supplié d’interdire l’usage du scaphandre dans nos lagons et vous nous avez promis qu’à votre retour dans votre bureau, à Papeete, vous étudieriez ce qu’il conviendrait à notre bien. Nous vous le répétons, nous ne tolèrerons jamais la plonge au scaphandre dans nos lagons.


Il est exact, en effet, que le scaphandre a toujours été admis à plonger dans nos lagons à passes, surtout depuis la suppression du Conseil général, cela parce que nos légitimes revendications n’ont pas été prises en considération. En 1927, les scaphandres ont été autorisés à pêcher à Takume, puis à Hikueru l’année dernière. Nous nous y sommes opposés énergiquement en vous faisant parvenir notre juste protestation, à savoir que nous ne tolèrerions jamais la plonge au scaphandre dans notre lagon de Hikueru. Vous n’en avez tenu aucun compte puisque vous l’avez autorisée par votre arrêté du 7 novembre 1928.


Vous avez permis à des étrangers de prendre notre nacre sous nos yeux tout en nous interdisant formellement de plonger à nu. Nous nous y sommes opposés ; nous avons saisi les casques à scaphandres, ces engins néfastes aux lagons.


Nous avons subi, grâce à votre intimidation, ceux qui venaient s’emparer du bien qui nous a été laissé par nos ancêtres. Et, encore aujourd’hui vous laissez à nouveau ces étrangers prendre sous nos yeux notre fortune, c’est-à-dire le pain de nos familles, de nos enfants. Et nous, les légitimes propriétaires des lagons nacriers, vous nous faites défense de plonger !

Par cette Loi du 30 décembre 1880, la France est devenue notre mère. Serait-il juste que cette Mère prive ses enfants de leur pain pour le donner à des étrangers ?DRAFTJS_BLOCK_KEY:4spks

Monsieur le Gouverneur,

Vaine serait la promesse à nous faite par la France lors de l’annexion de nos îles, le 30 juin 1880.

Nous vous demandons d’abroger les arrêtés qui nous privent de notre droit de propriété et nous vous prions de vouloir bien faire parvenir notre protestation à l’autorité supérieure de la République française.

Nous sommes les légitimes propriétaires des lagons des Tuamotu et il ne saurait y être pêché des huîtres na


crières sans notre assentiment et c’est pourquoi nous avons toujours protesté contre les scaphandres.


Le 29 avril 1859, M. E. G. de la Richerie, Commissaire du gouvernement impérial de la France, a formellement reconnu notre droit de propriété en nous disant : « Oui, vous êtes bien propriétaires des lagons à nacres, et l’on doit tenir compte de votre acceptation comme de votre refus. Mais ne manifestez pas votre refus par la violence ; affirmez sans relâche votre droit de propriété sans jamais accéder aux désirs de ceux qui ne font aucun cas des autres. Le Gouvernement protecteur vous tiendra en éveil. »



La loi d’annexion du 30 décembre 1880 nous conserve nos droits de propriété mobiliers et immobiliers et voici les règlements des 7 novembre 1928 et 23 mars 1929 qui les enfreignent en permettant à des étrangers de s’emparer de nos biens ancestraux malgré nos protestations.

Par cette Loi du 30 décembre 1880, la France est devenue notre mère. Serait-il juste que cette Mère prive ses enfants de leur pain pour le donner à des étrangers ?



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